4 000 intermittents privés d’indemnisation par Pole Emploi


Photo Reuters

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4 000 intermittents privés d’indemnisation par Pole Emploi

Vendredi 2 Octobre 2020

Depuis jeudi 1er octobre, les professionnels du spectacle et de l’audiovisuel qui passent par la coopérative SmartFr pour travailler ont perdu leurs droits à indemnités chômage et leur couverture sociale. Une attaque contre les artistes et techniciens, mais aussi contre le modèle coopératif.

Déjà bien fragilisés par le confinement et les annulations de spectacles et de festivals du printemps et de l’été, la culture, les arts vivants et l’audiovisuel s’attendaient à vivre un automne difficile avec le regain de l’épidémie et les nouvelles restrictions sanitaires afférentes. Un troisième coup vient de s’abattre sur 4000 de ses professionnels. Depuis le jeudi 1er octobre, ceux-ci sont privés de leur accès à l’intermittence. Fin août, ces travailleurs ont en effet été informés par Pole Emploi Service, dont ils dépendent, que leurs déclarations d’emploi ne seraient plus recevables pour ouvrir des droits à l’indemnisation au titre de l’intermittence. Malgré un mois de mobilisation, le couperet vient donc de tomber.

SmartFr privé de licence

L’attaque est double et semble émaner du ministère du Travail lui-même. Elle vise aussi bien les travailleurs du secteur que le monde des coopératives et de l’économie sociale et solidaire. Ces 4000 professionnels, artistes et techniciens, passent en effet par une société coopérative, SmartFr, et sa coopérative de production la Nouvelle aventure, pour produire des spectacles, des concerts, des pièces, des événements, et se salarier. Ce fonctionnement original est similaire à celui des coopératives d’activité et d’emploi, qui offrent la possibilité à des professionnels travaillant de manière indépendante d’échapper à la précarité des statuts d’autoentrepreneur ou de l’indépendance, en étant salarié d’une coopérative dont ils sont en même temps sociétaires, donc propriétaires. Un dispositif qui leur garantit ainsi un accès à la protection sociale et à l’assurance chômage. Pour cela, SmartFr disposait de la licence d’entrepreneur du spectacle auprès de Pole Emploi. C’est cette licence que Pole Emploi lui a retirée.

« Nos métiers risquent d’être détruits »

« Dans sa démarche, Pole emploi services se trompe de cible, et ce deux fois ! Une fois de plus, contre le chômage, Pôle Emploi s’attaque aux chômeur.ses. Une fois de plus, en contexte de crise, c’est le travail qui est attaqué plutôt que le capital. Ce sont nos organisations autogérées qui sont mises en cause. Ce sont nos modèles économiques. Ce sont nos métiers qui risquent d’être détruits si nos coopérateurs.rices sont sacrifié.e.s. », dénonce la CGT de SmartFr. Les conséquences de la décision de Pole Emploi sont d’autant plus désastreuses que ces 4 000 techniciens et artistes n’ont eu qu’un mois pour se retourner. Or, la tenue d’un spectacle se règle bien en amont. Si les droits à indemnisation ont été prolongés par le gouvernement jusqu’au 31 août 2021, pour tenir compte de la crise sanitaire et économique, ces professionnels déjà bien en peine de trouver de nouveaux contrats vont voir leurs droits à l’intermittence s’estomper, faute de pouvoir les renouveler grâce à l’intermédiaire de la coopérative.

« Derrière cette attaque, il y a cette vieille idée que notre système est néfaste à l’intermittence. Pourtant, on y contribue en donnant accès au salariat, donc au régime général, à des artistes ou techniciens qui auraient dû recourir à l’auto-entreprenariat ou au travail non déclaré. On défend ce régime en donnant accès à des gens qui seraient condamnés à bricoler dans leur coin », souligne François Veyer, conseiller stratégique de SmarFr. « La forme coopérative est une alternative au capitalisme du fait qu’elle met en place des sociétés de personne et non de capitaux, ajoute-t-il. Cette forme n’est pas comprise par le régulateur, ou peut-être trop bien comprise par lui. Depuis dix ans, notre modèle de mutuelle de travailleurs, de tiers lieux ou de plateformes coopératives, se développe car il permet d’innover en apportant des droits aux travailleurs. Mais les autorités administratives et le législateur les en privent régulièrement. »

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