André Degaine, auteur de la célèbre “Histoire du théâtre dessinée”, publié à compte d’auteurs, s’est éteint dans la nuit du 27 au 28 mai 2010 à l’Hôpital Saint-Antoine. (Vidéo)
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Adieu à André Degaine, poète de l’histoire du théâtre
Amateur magnifique du théâtre, il avait rédigé, en puisant dans son savoir profond, une “Histoire du théâtre dessinée”. Publié à compte d’auteurs, l’ouvrage est devenu une référence. André Degaine s’est éteint dans la nuit de jeudi à vendredi à l’Hôpital Saint-Antoine. Il aurait eu 84 ans en septembre prochain.
C’était un coeur pur. Il avait connu une certaine notoriété sur le tard de sa vie. Cela n’avait rien changé à ses habitudes ni à son caractère affable et bon. André Degaine continuait d’aller au théâtre, de participer au Masque et la Plume et aux rendez-vous du Théâtre Club au Studio-Raspail et travaillait avec passion à une histoire du TNP qu’il écrivait avc la rigueur et le sens de la transmission qui étaient son souci premier.
Ci-dessous, le dessinateur dessiné par la très talentueuse Catherine Dubreuil. C’est au Studio Raspail lors d’une des conférences du Théâtre Club d’Alain Toutous.
Il ne sera plus là. Jérôme Garcin ne pourra plus lui dire, tandis qu’une jeune hôtesse lui tend le micro, “André, qu’en pensez-vous ?”. Il était là, à chaque enregistrement du Masque et la Plume depuis bientôt dix-huit ans…Jérôme Garcin, qui avait “lancé” cette merveilleuse Histoire du théâtre dessinée publiée à compte d’auteur en 1992, avait invité Monsieur Degaine à participer à la célèbre émission de France Inter. Au tout début, André Degaine se mettait à la tribune. Mais il avait très vite préféré être parmi les spectateurs, au premier rang.
C’est qu’il aura été, justement, toute sa vie durant, un spectateur. Un passionné. Bien évidemment les docteurs diplômés et autres sinistres dramaturges le considéraient d’un oeil condescendant. C’est qu’ils ne l’avaient pas lu et s’arrêtaient à l’apparente naïveté du trait. Des dessins pourtant précis et très éloquents. Non content de savoir, de savoir synthétiser, de repérer, de tirer des fils, d’écrire d’une belle écriture limpide, André Degaine dessinait. Une page de son livre -de ses livres puisqu’il a donné une version pour la jeunesse de son grand livre et aussi un merveilleux guide des promenades théâtrales à Paris- est un poème : une organisation minutieuse, originale, drôle le plus souvent car cet homme avait de l’esprit, et une page bourrée de savoirs et de saveurs.
On ne s’est jamais lassé de relire ce livre, de le consulter, de l’offrir : qui aime vraiment le théâtre ne peut qu’aimer cette somme merveilleuse et aérienne.
Ci-dessous, André spectateur par Catherine Dubreuil dont il admirait le talent, le travail et le courage. Nous la remercions pour ces documents précieux.
André Degaine était né en septembre 1926 à Clermont-Ferrand. Pendant l’Occupation, adolescent, il lit beaucoup. Il dévore Cocteau, Rostand (Edmond mais aussi Maurice qu’il aime beaucoup), Giraudoux et tous les classiques. Sa curiosité est déjà universelle. André Degaine avait un frère, son aîné de dix ans, qui fut déterminant dans sa vocation et dans le développement de son esprit d’observation et de sa mémoire. C’est sa maman qui avait confectionné pour le petit André ses premières marionnettes. Lui-même, ainsi qu’il le racontait, l’oeil pétillant de malice et de tendresse, “tirait l’aiguille”. Il pouvait fabriquer lui aussi ses pantins et dessinait très bien. Il fut saisi de la passion du théâtre, raconter des histoires, inventer, imaginer.
Son beau visage plein était illuminé par un regard d’un bleu azuréen. Ses cheveux blancs, son teint pâle, ses vestons d’un bleu roy très seyant, sa voix douce, presqu’enfantine parfois, tout disait qu’il était un adulte qui n’avait jamais rompu avec l’enfance…”Monté” à Paris, ses deux bacs en poche, il intègre l’administration des PTT. Il travaillera quarante ans durant à la Grande Poste de la rue du Louvre, celle qui est ouverte jour et nuit. Quelquefois, André Degaine expliquait que c’est dans l’exercice de ses fonctions qu’il avait appris à jouer la comédie : pas plus fin que lui pour rassurer la clientèle !
Avec son salaire modeste, il va au théâtre. Et il écrit à son frère, lui narrant quotidiennement ce qu’il a vu la veille. On n’a rien de cette correspondance, son frère aîné est mort il y a longtemps déjà…quel dommage ! On tiendrait là une chronique extraordinaire de la vie théâtrale parisienne de l’après-guerre à aujourd’hui.
Et puis, donc, il joue. Le Jeune théâtre des PTT est une compagnie très active. Il endosse le costumes de personnages très divers, met en scène, rédige les programmes et même écrit des pièces. La passion est totale ! Pour ses 80 ans, en 2006, le Théâtre-Club animé par un autre passionné, Alain Toutous, lui avait consacré une soirée superbe avec des témoignages, archives, des films. On sait qu’Alain Toutous et ses amis du Théâtre Club ont été auprès d’André Degaine jusqu’au dernier jour et qu’ils seront là pour honorer sa mémoire.
Mais son chef-d’oeuvre est incontestablement L’Histoire du théâtre dessinée. Près de 450 pages pour cette somme complètement écrite à la main, illustrée par ses dessins, avec des copies de sa main également de gravures, d’affiches, de sigles, etc…Lui-même, si l’on s’en souvient bien, avait tiré les photocopies et relié ces pages, les déposant dans quelques librairies spécialisées. Et puis il y a l’exemplaire envoyé à Jérôme Garcin…Les 300 exemplaires de ce premier “tirage” pas comme les autres s’arrachent et bientôt Nizet réédite l’ouvrage !
Olivier BARROT présente l’ “histoire du théâtre dessinée” d’André Degaine. (Un livre, un jour – 04/03/1993)
C’est cet homme là, ce conteur pétillant qui nous quitte. Il ne cessait d’aller au théâtre. On l’invitait. Un peu. Mais il achetait des dizaines de places pour lui et ses amis. Les jeunes, Stéphan Druet, par exemple, savent qu’il allait vers eux, aimait découvrir, revoir les spectacles, bavarder, faie partager ses coups de coeur. André Degaine était aussi quelqu’un de très bien informé. Se tenant aucourant de tout. Et très lucide sur la politique théâtrale.
Certains grands metteurs en scène aussi l’aimaient beaucoup et respectaient son travail. Parmi eux, Christian Schiaretti. Le directeur du TNP de Villeurbanne avait même commandé à André Degaine une histoire de l’institution à laquelle l’historien travaillait. Il élaborait également un “arbre généalogique de la décentralisation”.
Pour jamais on revoit son bon sourire et l’on retiendra longtemps ses leçons : vérité, modestie, amour du théâtre.
Interview d’André Degaine sur froggydelight.com (4/1/07)
Ci-joint le message d’Alain Toutous,