Chute et Avènements du Guerrier d’Or


Texte, mise en scène, jeu : Marceau Deschamps-Ségura – Jeu également : Clément Rivière – Regard sur la mise en scène : Grégoire Aubin – Création Lumière : Aurélie De Foresta

Il s’agit de ma première pièce, écrite en 2008, mise en scène et jouée en 2009.

Tragédie familiale dans un futur féodal : l’Impératrice Marla partage ses terres à égalité entre ses trois fils. Armaal, l’aîné réclame tout l’héritage ; Martès, le second fils, conquérant, le fruit de ses batailles ; Godefroy, le dernier, fourbe, manigance la perte de ses frères pour récupérer ce dont il avait été frustré toute sa vie. Rose, la femme de Martès, et Fleur-de-Lys, leur prometteuse fille, devront à leur tour s’engager dans l’affrontement fratricide qui éclate la couronne.

La pièce est en alexandrins mixtes. Chaque personnage forme ou déforme l’alexandrin selon son caractère : rimes croisées pour le conquérant, embrassées pour sa femme aimante, alexandrins boiteux de 13 syllabes pour l’Aîné superflu, de 11 pour le benjamin dissimulateur… Et une didascalie narrative envahit la page comme pour rappeler qu’une scène est un lieu d’action et de matières.

Après deux ans de gestation, après deux séances planifiées de deux heures débouchant sur les deux premières scènes, la pièce, à rendre le lendemain, est écrite en une nuit.

La mise en scène connut un sort d’autant plus fou !

Après plusieurs mois de travail distendu avec une distribution mauditement incomplète, la narratrice m’annonce qu’elle ne pourra pas assurer le projet. La nouvelle se répand dans l’équipe qui perd foi. Cependant, je rencontre théâtralement à l’occasion d’un stage au théâtre de la Croix-Rousse, Clément Rivière, jusque-là lointaine connaissance Oyonnaxienne. Il accepte de reprendre le rôle ! Il ne sait pas encore – pas plus que moi ! – que tous les comédiens abandonneront à leur tour le projet, et que nous ne serons que tous les deux pour jouer tous les personnages !

Nous sommes à trois semaines de l’unique représentation. Il accepte. Nous travaillons.

Une conduite scénique précise, des accessoires symboliques pour chaque personnage, une scénographie minimale mais percutante, avec un éperon qui permet de s’enfoncer au plus proche des spectateurs tout en les surplombant, et une répartition très expéditive du texte : nous travaillons à ce que ça marche.

La veille du spectacle, dans le jardin derrière mon appartement Lyonnais, Cément et moi constatons que le texte est pour ainsi dire absent, ou tout au mieux très lacunaire, sauf quelques bribes miraculeuses.

A table, la nuit précédente, nous faisions la liste de tout ce que nous savions faire pour gagner du temps, le temps de trouver comment récupérer le fil de la pièce, au (plus que probable) besoin  : chansons, monologues, blagues, danses… Tout est bienvenu !

Grégoire Aubin, troisième larron Oyonnaxien, nous rejoint. Et c’est en l’allant chercher à la gare, surement au détour d’une blague, que l’idée jaillit : « nous allons enregistrer le texte sur bande son, le diffuser pendant la pièce, et suivre la partition scénique que nous avions décidée ! » Excitation et euphorie.

Nous sommes à l’Aube du vendredi 22 mai 2009, nous jouerons à midi et demi en salle D13 (que j’aime à appeler « Détresse »). Il doit être à peu près neuf heure, et nous enregistrons, sans le retravailler (tel était le projet et la nécessité !) le texte d spectacle.

« Bonjour Aurélie ! Alors, on change tout : le texte est sur CD, tu nous suis avec la lumière (a priori on suit ce qui était prévu, mais qui sait…) et si on te dit de couper, tu coupes tout ! Enfin, fais ce que tu pourras ! Merci beaucoup d’être là ! »

Clément a sa guitare; j’ai ma rigueur dramaturgique.

Chansonnettes, distribution de fraises tagada, pantomimes, improvisation, interrogation d’un heureux élu chargé de faire un point à la moitié de la pièce, coupes et héroïsme. Une caméra circule de main en main de la quinzaine de spectateurs médusés, perplexes et séduits, pour collecter collectivement des fragments de ce curieux moment.

Clément jouera le « allez on avance » pragmatique et clownesque, moi le « Noooon atteeend, encooore çaaa, parce que c’est beeeau ! » exalté. Un équilibre instable qui nous permet de suivre le sillon que nous avions tracé et qui laboure le champ de notre créativité, avec la fleur de ce texte, enracinée, qui nous guide.

Nous allons jusqu’au bout.

Les spectateurs aussi.

Le sens nous accompagne, « cette bande son qui ne s’arrête pas, c’est ça la tragédie ! », l’instant pourvoit de cohérence et de pertinence ce que l’inquiétude ou le découragement aurait sacrifié à la peur, à la fuite, à l’absurde.

La devise de la pièce avait bien toujours été : « Ne cherchez pas l’Erreur, trouvez la Raison. »

Une fois l’œil posé sur ce qu’il est possible de faire, l’oreille attentive à ce qu’on a envie de raconter, le cœur plein de la foi des fantaisies rêvables, il n’y a plus d’entraves à la joie de jouer.

 

 Marceau Deschamps-Ségura

 

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