Un espace, deux femmes. L’une est actrice, parisienne. L’autre est programmatrice, en province. On découvre le territoire, la programmatrice le fait visiter, l’actrice le visite. L’espace, ancien foyer paroissial devenu salle des fêtes, et théâtre à l’occasion. Les premiers mots, déjà, font mal. Le fossé entre elles se creuse, elles s’y engouffrent… c’est une pièce de guerre qui commence. Elles vont s’y livrer sans merci, il n’y aura pas de quartier. Au centre de leur conflit, « le projet », dont on saura peu de choses. Qu’importe. Il ne verra jamais le jour, confisqué par ces deux femmes qui savent ce qu’est le théâtre, elles qui le font, elles qui en sont… P.N.
AU THÉÂTRE LES DÉCHARGEURS
3, rue des Déchargeurs
75 001 Paris
01 42 36 00 50
du 3 mar 2020 au 28 mars 2020
Je ne vous aime pas
de Pierre Notte
avec la complicité de Marianne Wolfsohn
Texte commandé à Pierre Notte dans le cadre de la résidence triennale du Théâtre de la Ramée sur la Communauté de Communes de la Picardie Verte (60)
Le texte des monologues «Paroles données» est issu d’entretiens entre les habitants de la communauté de communes et Marianne Wolfsohn
Interprétation
La Programmatrice : Nathalie Bécue
L’Actrice : Silvie Laguna
Monologues «paroles données» : Marianne Wolfsohn
Mise en scène : Marianne Wolfsohn
Coach action : François Rostain
Costumes : Donate Marchand assistée d’ Emmanuelle Huet
Lumières : Elodie Tellier
Construction menuiserie/tapisserie : Marianne Cantacuzène et Michèle Maupin
Durée : 1h15
Production : Théâtre de la Ramée
Coréalisation : La Reine Blanche – Les Déchargeurs – Théâtre de la Ramée
Avec le soutien de la Région Hauts-de-France, de la Comédie de Picardie et de la Communauté de Communes de la Picardie Verte
Labellisé «Rue du Conservatoire» (Association des élèves et des anciens élèves du Conservatoire
National Supérieur d’Art Dramatique)
Remerciements au Cours Gabriel, à Hervé Briaux et Félix Prader
Note d’intention de Pierre Notte
Un espace, deux femmes.
On découvre le territoire, la première le fait visiter, la seconde le visite. L’espace, fierté locale, ancien foyer paroissial devenu salle des fêtes, et théâtre à l’occasion. L’élue fait visiter la salle et son équipement, ses capacités de transformation, d’adaptation. L’artiste invitée, visite, acquiesce, c’est mignon, pas tout à fait son goût, mais ça ira. «Ça ira très bien», dira-t-elle. Ces mots-là, déjà, dès le premier tableau, première rencontre, font mal.
L’élue perçoit une sorte de condescendance, elle apprécie peu. Elle n’apprécie pas le mépris de la parisienne, artiste conventionnée, sur-payée peut-être, surestimée sans doute, qui fait la moue. Le fossé entre elles se creuse, elles s’y engouffrent, et c’est une pièce de guerre qui commence. Leurs propres caricatures leur explosent à la figure, les préjugés, a priori et compagnie.
Les humiliées s’affrontent. L’artiste invitée se sent malmenée, mal considérée, et l’élue de la République est offensée, outragée par les demandes d’une compagnie de théâtre qui vient de Paris. La province et la capitale, la décentralisation, le mépris des tutelles lointaines, l’arrogance des artisans de la culture, puis l’outrecuidance, la cuistrerie, la fatuité, l’ignorance contre la bêtise. Le pouvoir contre les clowns, les créateurs contre les incultes. Les deux femmes se déclarent la guerre, et se la livrent, sans merci, dans ce foyer paroissial, lieu de paix, devenu espace des représentations des horreurs de l’humanité. Au centre de leur conflit : « le projet », dont on saura peu de choses, et qu’importe. Il ne verra jamais le jour.
Et en victimes collatérales : les habitants, villageois, et la troupe des comédiens elle-même, puisque ceux-là ne se rencontreront probablement jamais.
Note d’intention de Marianne Wolfsohn Metteuse en scène
Le spectacle doit pouvoir se jouer partout.
La mise en scène, plus précisément mise en espace exploitant la configuration, la topographie de la salle de représentation, s’adapte au lieu qui accueille le spectacle.
Dans le texte, la question première qui se pose et crée immédiatement incompréhension et confrontation entre L’Actrice et la Programmatrice est celle de la salle. Le théâtre s’appréhende dans un lieu dédié, endroit sacré pour la comédienne. Pour la chargée de programmation, c’est un outil, multi-fonctionnel, dont la magie propre dépasse l’Actrice.
Dans le combat, dans cette relation chargée de certitudes spirituelles d’un côté et temporelles de l’autre, l’occupation de l’espace par l’une et l’autre s’oppose et alterne au rythme des échanges verbaux et de la progression de l’affrontement.
Le seul élément de scénographie hormis une table, appartenant à la salle, est une paire de fauteuils de théâtre. Nécessaire à la représentation qui devrait avoir lieu, l’unique fauteuil espéré n’est pas, lui non plus, conforme aux attentes, ainsi le focus se fait autour de cet espace réduit, nouvelle zone de combat.
La lumière restitue ce que pourrait être l’éclairage d’une salle polyvalente, cru, peu flatteur, froid, triste …l’objectif est de créer une lumière qui ne met pas en valeur l’espace de jeu, et doit se faire oublier. La zone du public est intégrée au travail sur la lumière, afin que la frontière scène/salle se fasse discrète et permette de faciles incursions d’une zone à l’autre.
Les « Paroles données », sont mises en lumière de façon conventionnelle ― douche, couloir, contre- jour ―. Cette convention aide à la compréhension de modification du temps, du lieu et de l’écriture. C’est dans ces moments, dans lesquels le texte est issu de la réalité, livrée brut sans réécriture, que la convention est assumée. C’est par la lumière qu’advient la compréhension de cette parole, à la fois rapportée de l’extérieur et revenue de l’adolescence.
Les costumes simples, quotidiens, avec des impressions fleuries, cherchent à la fois les similitudes, les oppositions et les complémentarités.