Le spectacle vivant va contester la fermeture de ses salles devant le Conseil d’État


On l’a senti, dès les premières réactions à l’intervention de Jean Castex : la décision de n’envisager la réouverture des salles de cinéma et de spectacle qu’à partir du 7 janvier 2021 aura du mal à passer. La colère gronde de partout dans le monde de la culture et les salles de spectacle vont adresser un référé auprès du Conseil d’État pour faire valoir leurs droits.

« Le Conseil d’État est le garant de l’équité. Ça fait 15 jours que tout le monde, cinémas et théâtres, aurait dû faire un référé. A partir du moment où l’État a autorisé les églises à rouvrir. En gros, si vous autorisez une boucherie à ouvrir, il faut aussi autoriser la charcuterie. Alors, on ne va pas discuter de ce qui est essentiel ou ne l’est pas. Mais les théâtres et les églises, ça se ressemble autant qu’une boucherie et une charcuterie. Ils ont exactement le même dispositif sanitaire. Vous avez des gens masqués, espacés qui font face à une personne qui s’adresse à eux. Du point de vue du protocole, il n’y a pas plus similaire », explique Samuel Churin, comédien et tête de file de bien des combats sociaux.

« J’ai hâte de savoir en quoi le fait d’assister au récit de la naissance d’un homme nommé Jésus serait sans danger, alors que le récit d’un homme nommé Tartuffe serait source de contamination» lâchait-il hier après-midi sur son profil Facebook pour conclure sa lettre ouverte. Il y appelait les responsables de salles de cinéma et de théâtre à introduire un référé auprès du Conseil d’État au nom de ce principe d’équité. Depuis, le mouvement est lancé. « Jean-Paul Angot de l’Association des Scènes Nationales, Robin Renucci de l’ACDN (Association des Centres Dramatiques Nationaux) veulent y aller. Bien sûr, tous ne vont peut-être pas suivre. Je connais des directeurs de CDN (Centre Dramatique National) qui ne veulent pas s’attaquer à l’État de peur de perdre leurs postes. Mais ça y est, ça se bouge enfin » conclut Samuel Churin.

Le mouvement prend une ampleur spectaculaire

Et en effet, ça décolle. Et pas seulement du côté des syndicats du théâtre public. « On était en réunion avec la SNSP (Syndicat National des Scènes Publiques) et PROFEDIM (Syndicat professionnel des Producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs Indépendants de Musique) ce midi.         Les organisations du théâtre privé doivent encore voter mais sont d’accord sur le principe.

La CGT-F.O se lance aussi. Et les salles de cinéma se rencontraient en parallèle de nous » explique Nicolas Dubourg, Président du SYNDEAC (Syndicat des Entreprises Artistiques et Culturelles). Le mouvement prend donc une ampleur spectaculaire. Mais, pour lui, il ne faut pas se précipiter. « Le décret sur la fermeture des salles n’est pas encore publié et il faut bien réfléchir à l’argumentaire. On devrait déposer un recours mardi ou mercredi, ce qui permettra d’avoir une réponse pour le 15 ».

Suivant une optique sensiblement différente de celle proposée par Samuel Churin. « Il nous semble plus judicieux d’attaquer du point de vue du « service à la personne ». A partir du moment où on a rouvert les magasins, non pas parce qu’ils sont essentiels, mais parce qu’ils proposent des services à la personne, il n’y a pas de raison que nous, on soit interdit d’ouvrir. Les restaurants, on doit enlever le masque pour manger. Je veux bien comprendre. Mais les salles de cinéma et de spectacle ont des protocoles sanitaires, une distanciation, des spectateurs qui gardent le masque. Si nous devons fermer quand les galeries marchandes sont ouvertes, il va falloir nous expliquer pourquoi ».

Deux argumentaires différents donc, qu’il faudra départager. L’affaire devient celle des spécialistes du droit desquels structures et syndicats se sont rapprochés. Mais pour , Samuel Churin les chances de voir sa logique aboutir ne sont pas minces. « Évidemment, un lieu de culte, ce n’est pas comme un lieu payant. Mais à part ça il faudrait prouver que les conditions sanitaires sont différentes. Et ça ne peut pas être non plus une question de nombre. Il y a plus d’églises que de théâtre en France. Pas plus que de fréquentation quand on pense au nombre de gens qui vont aller à la messe de Noël ».

« Personne ne souhaite qu’on lui dise ce qui doit être essentiel et ce qui ne le serait pas ou s’il faut préférer la Bible au Roi Lear »

« Devant une crise qui ébranle totalement notre monde, les choix faits sont des choix de société et on ne peut pas en réduire les existences à leur seule dimension religieuse ou commerciale et n’en respecter que ces aspects « explique Adrien le Van, directeur du Théâtre Paris-Villette dans un communiqué qui concilie les deux logiques. « Il ne s’agit pas de défendre une « boutique ». Ce ne sont pas les théâtres qui sont en danger mais les hommes et les femmes qui y créent. On peut se passer de théâtre pendant des mois, on ne peut pas se passer de justice » poursuit le directeur du TPV en ajoutant « Personne ne souhaite qu’on lui dise ce qui doit être essentiel et ce qui ne le serait pas ou s’il faut préférer la Bible au Roi Lear ».

Dans un texte où il annonce que son établissement s’associe au mouvement, Charles Berling directeur du Théâtre Chateauvallon – Liberté, scène nationale toulonnaise – lance « Nous refusons de nous taire. Nous refusons de nous laisser abattre ».

Sous l’impulsion de Christian Benedetti, directeur du Studio-Théâtre d’Alfortville, en banlieue parisienne, du théâtre Monfort, le mouvement s’étend aux théâtres de la ville Paris.

Edouard Chapot et Mathieu Touzé, les co-directeurs du Théâtre 14 ont annoncé sur twitter qu’ils saisissaient « le Conseil d’Etat pour contester notre fermeture que nous ne comprenons pas ».

Longtemps compréhensif et faisant bonne grâce aux injonctions présidentielles de se réinventer, le spectacle vivant, lourd d’un sentiment d’iniquité dans le traitement ainsi que d’avoir préparé une reprise qu’on lui interdit au dernier moment, cette fois, a décidé de passer à l’action.

Eric Demey – www.sceneweb.fr

Merci à sceneweb

 

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