Marc FRANCOIS, comédien et metteur en scène, a mis fin à ses jours, mardi 12 septembre 2006 à Paris, à l’âge de 46 ans.
Article paru dans l’Humanité du 25/09/06
SE SOUVENIR DE MARC FRANÇOIS
Marc François est mort. Il s’est suicidé à quarante-six ans. Il a été enterré, dans son pays natal. Il était d’une intégrité et d’une exigence rares. Il était profondément malheureux. Malheureux de ne pas jouer ; de ne pas pouvoir monter-montrer ses projets ; qu’on lui refuse, encore et une dernière fois un lieu. Nous nous sommes rencontrés en Avignon, durant l’été 2003. Il devait lire un texte de Didier-Gorges Gabily à la Chartreuse. Il était fébrile. La grève votée, tout fut annulé. Et Marc François était malheureux et révolté et survolté. Indigné, de cette indignation saine devant le sort réservé aux artistes, à lui. Il m’a parlé de ses expériences avec Claude Régy, avec Bernard Sobel aussi. Et surtout de ses tentatives solitaires, en solitaire. On devinait un être tourmenté, toujours en recherche, sur le fil. Après Avignon, il avait écrit un texte qui disait le cynisme environnant, sa souffrance aussi. « Ma part de révolte d’intermittent » (dans l’Humanité du 15 septembre 2003). Certains de ses amis nous ont appelés après sa mort. Pour nous dire leur tristesse. Nous publions un texte de Philippe-Ahmed Braschi, ami et proche collaborateur de Marc François.
M.-J. S.
« Il y a douze ans, Ghérasim Luca s’est noyé dans la Seine “parce qu’il n’y a plus de place pour les poètes”.
Marc était un homme difficile.
Il faut parler de lui au singulier, à la troisième personne, il n’était plus pour beaucoup une deuxième personne.
Il y a de la place. Marc avait eu sa place, Marc savait gâcher, Marc était toujours un artiste brûlant, Marc n’était ni médiocre, ni pompier, ni futur pompier, pas aux premiers rangs, pas habile, pas conforme et pas tribun.
Marc est mort pour faire souffrir ceux qui l’entouraient et l’aidaient encore. Il est mort en souffrant.
Marc était un artiste brûlant. Il vivait dans une situation sociale et professionnelle obscène.
Il y avait un texte central, pour lui, qu’il voulait à toute force monter. Il y a cinq ans, il avait rencontré en vain de nombreux directeurs de théâtre, scènes nationales, centres dramatiques nationaux, théâtres nationaux. L’un d’entre eux seulement, pas le plus riche, voulait l’accompagner.
Marc a essayé d’être coiffeur, sans succès, d’être facteur, fleuriste, mais il n’était pas fait pour ça. Récemment, il a été, quelques mois, auxiliaire de vie, auprès de personnes âgées. Passionnément, excessivement, singulièrement, trop. C’était fini. Cet été, il avait manifesté, de manière plus ou moins pertinente, auprès du ministère, sa volonté d’exister.
Il est parti.
Il travaillait sur ses « chansons confondantes »
Philippe-Ahmed Braschi,
acteur, codirecteur de la Guillotine à Montreuil
Claire
Rencontre impérieuse
Amitié par foi
Nécessaire sans doute
Combien de joies
Combien de voix
Allant ensemble
Dans les rues néfastes
Que de bruits pour rien
Que d’esprit pour rien
Pour tout et elle
Peur que je meure
Peur qu’elle meure
Nous voilà bien !
Une nuit dans la peur
D’une vie agaçante
Pour tous deux sans mourir
Une vie si dure à vivre
Et quoi faire, plus rien faire
Oh ! Trop bien de courage
Mourir trop facile
Ah ! Lassitude nécessaire
Être dans le difficile
Ne pas s’en vouloir
De vouloir tout avoir
Un idéal sans fin
Trouvez mes mains possibles
Qui sauront agir
Quand à l’avenir
Il faudra creuser
La terre, le ciel, plein d’os et de chair
Malheureux, douloureux de nos ancêtres
Pourtant près de nous dans le vingtième
Crânes vides et pourtant pleins
Nos crânes pleins et pourtant vides
Plus d’os, plus de crânes
La moelle de nos os sera notre âme
Nous qui ne mourons plus
Qui toujours vivons
Vivons les souvenirs
Les oppressions de la nuit
Qui nous tiennent toujours
Malgré tout quel avenir sur la terre
Et ne voulons qu’on nous enterre
Joie de vivre l’avenir
Adieux à mourir.
Marc François