Michèle GUIGON


Son accordéon s’est tu dans la nuit du 3 au 4 septembre 2014. Cette comédienne, musicienne, metteure en scène s’est éteinte à 55 ans.

Née en 1959 à Belfort, où elle s’est rôdée en pratiquant le théâtre amateur et le cabaret, Michèle Guigon est ensuite montée à Paris, pour se former dans le cours de Jean-Louis Martin-Barbaz et à l’école du Théâtre des Quartiers d’Ivry, dirigé par Antoine Vitez. C’est alors qu’elle rencontre Jérôme Deschamps…

  Voir en lien, ci-contre,  l’hommage que lui a rendu Fleur Pellerin, Ministre de la Culture et de la Communication.

Voici le bel article que lui consacre Brigitte Salino dans le Monde.fr :

Aujourd’hui, on aimerait entendre un air d’accordéon le long du canal Saint-Martin, où, depuis de nombreuses années, vivait Michèle Guigon. Mais il n’y en aura pas, sauf dans le souvenir, ou les poussières d’étoiles que Michèle Guigon rêvait de rejoindre à sa mort : elle qui jouait si bien de l’instrument à bretelles s’est éteinte dans la nuit du 3 au 4 septembre.

CHRONIQUEUSE SUR FRANCE INTER

La faute au cancer. Elle avait 55 ans et c’était une femme formidable, qui liait l’art à la vie. Le grand public a pu le mesurer en écoutant ses chroniques sur France Inter, où elle avait rejoint d’équipe de « On va tous y passer », en septembre 2012. L’une de ces chroniques était adressée à Jérôme Deschamps, l’invité du jour. Michèle Guigon avait rappelé à quel point il avait été important dans sa vie. C’était au milieu des années 1970, le metteur en scène venait de créer La famille Deschiens, le premier d’une belle série de spectacles qui allaient introduire un joyeux ramdam sur les plateaux, en montrant, sans un mot, la vie en ses multiples petits cafouillages.

Ce qui avait intéressé Jérôme Deschamps, chez Michèle Guigon, c’était sa présence, toujours un peu à côté, et sa façon de jouer de l’accordéon, l’air de rien, comme si ça allait de soi. Seuls ceux qui ont longuement pratiqué un instrument peuvent avoir cette aisance. C’était le cas pour Michèle Guigon, qui avait commencé dès l’enfance, poussée par un père amoureux de la musique. Longtemps, comme l’instrument était trop lourd à porter, elle le trimbalait dans un caddie. Elle était drôle quand elle en parlait, avec cette pointe d’accent franc-comtois qui ne l’a jamais quittée.

Née en 1959 à Belfort, où elle s’est rôdée en pratiquant le théâtre amateur et le cabaret, Michèle Guigon est ensuite montée à Paris, pour se former dans le cours de Jean-Louis Martin-Barbaz et à l’école du Théâtre des Quartiers d’Ivry, dirigé par Antoine Vitez.

C’ÉTAIT UN TEMPS…

C’est alors qu’elle rencontre Jérôme Deschamps, en 1978. Elle travaillera avec lui jusqu’en 1985, et l’on sourit de bonheur, rien qu’à se remémorer les titres des spectacles dans lesquels elle a joué : Les Oubliettes, Précipitations, Les Petites chemises de nuit, En avant, Les Blouses, La Veillée.

C’était un temps où l’on pouvait se moquer des travers des gens sans que les affolés de la morale grimpent au plafond. Un temps où l’on voyait d’antiques poussettes transformées en barbecues, des mobylettes tout aussi antiques qui pétaradaient en vain, des hommes et des femmes attifés comme l’as de pique, qui auraient bien voulu faire quelque chose et n’arrivaient à rien, même pas à parler, mais qui montraient comme on peut rêver avec trois fois rien, et n’hésitaient pas, alors que l’Assemblée nationale était investie par des députés de gauche barbus, à mettre des barbus sur scène, pour nous raconter une inénarrable Veillée organisée par des animateurs sociaux.

CRÉATRICE DE LA COMPAGNIE DU P’TIT MATIN

Heureux temps que celui-là, où Michèle Guigon est souvent venue sur scène avec son accordéon. Plus tard, elle dira que Jérôme Deschamps lui a appris, à elle qui était comme une pile, à ne rien faire et à attendre. Une leçon essentielle, comme le fut le parcours avec le metteur en scène. Mais il vint un jour où la fille de Belfort a senti qu’il lui fallait passer à autre chose. Et, en particulier, à introduire des mots dans sa vie de scène.

Elle a alors commencé à bricoler de petits spectacles, des « quart d’heure », qui furent remarqués par Alain Crombecque, le directeur du festival d’Avignon. Lequel a invité Michèle Guigon a créer un « grand » spectacle. Ce fut Marguerite Paradis, en 1984, puis il y eut, en 1985, Etats d’amour, toujours à Avignon. Ainsi a commencé une nouvelle vie, sous l’égide de la compagnie du P’tit matin, que Michèle Guigon a créée avec ses amis, Anne Artigau et Yves Robin.

« J’AI PAS FAIT MÉDECINE, J’AI FAIT MALADE »

Mais voilà, la vie a lancé une pique fatale à Michèle Guigon quand s’est déclaré un cancer du sein, il y a plusieurs années. Pour se battre, elle a choisi son arme : la scène.

En 2009, elle a rempli les salles avec La Vie va où ?, « J’ai pas fait médecine, j’ai fait malade », disait-elle dans le spectacle. L’humour, toujours. Mais aussi la tendresse, et ce sourire qui jamais ne fut altéré. Comme il était beau quand Michèle Guigon se demandait : « Pourquoi c’est quand il est vide que le cœur est plein ? »

Aujourd’hui, notre cœur est plein de souvenirs. Et d’un air d’accordéon qu’on aimerait entendre, sur le canal Saint-Martin. Pour bercer les poussières d’étoiles.

    Brigitte Salino
Journaliste au Monde

L’hommage de Fleur Pellerin sur « Les trois coups »
Armelle Heliot dans le Figaro.fr
Muriel Mandine dans Ouest France.fr

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