Pierre ETAIX


L’artiste inventif – cinéaste, dessinateur et clown merveilleux – est décédé ce vendredi 14 octobre. Il avait 87 ans.

Lu dans le Figaro
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Complice de Jacques Tati, ami de Jerry Lewis, acteur pour Bresson ou Louis Malle, fondateur avec Annie Fratellini de l’École nationale du cirque, le cinéaste, dessinateur et grand clown est décédé ce vendredi 14 octobre. Il avait 87 ans.

«Étaix n’est plus». C’est ainsi, de manière lapidaire, qu’Odile, son épouse, a annoncé à l’AFP la disparition de ce grand serviteur du cinéma et du music-hall. Un héritier de Buster Keaton et de Charlie Chaplin. Après avoir été hospitalisé d’urgence ce vendredi 14 octobre, Pierre Étaix s’est éteint quelques heures plus tard, victime de l’infection des intestins contre laquelle il se bagarrait.

Le réalisateur de Yoyo aura marqué de son empreinte le septième art. Comme cinéaste, ces cinq longs-métrages des années 1960 composaient une œuvre à son image: petite, mince, agile et précise. Œuvre de jongleur, clown, gagman, dessinateur, illusionniste, car Pierre Étaix était tout cela. Avant tout, un amoureux du cirque qui, avec Annie Fratellini, a fondé l’École nationale du cirque.

Réchappés d’un long imbroglio juridique (les droits ayant été malheureusement cédés à un producteur désastreux), restaurés grâce aux Fondations Technicolor et Groupama-Gan, ses films avaient retrouvé une nouvelle vie en 2011. Toute la fraîcheur poétique et burlesque parle dans Le Soupirant, Yoyo, Tant qu’on a la santé, Le Grand Amour, Pays de cocagne.

Comment cette passion est-elle venue au fils d’un négociant en cuir dans la région de Roanne? Étaix avait sa théorie: «Mes deux grands-pères possédaient l’un et l’autre un goût prononcé pour le cirque, qu’ils m’ont fait découvrir tout petit. Puis j’ai appris qu’un de mes arrière-grands-pères était un enfant naturel. J’ai toujours pensé que ce devait être un enfant du voyage et qu’il m’a transmis ses gènes.»

Tati lui a sauvé la vie

Le cinéma est arrivé dans sa vie avec la démarche dégingandée et l’air ahuri d’un facteur acrobate. Après avoir vu Jour de fête, Pierre Étaix est allé trouver Jacques Tati, qui l’a engagé pour Mon oncle comme assistant, gagman et dessinateur de l’affiche. «Ce n’était pas un pédagogue, mais il m’a tout appris. Il me donnait une situation et il me disait:“Trouvez-moi des gags.” Je lui proposais une quantité d’idées, et la seule appréciation que j’obtenais était:“Travaillez! Travaillez!” J’étais déconcerté, parce que je cherchais beaucoup et je ne voyais plus que faire. C’est Henri Marquet, son scénariste, qui m’a donné la clef en me disant: “Ne t’écarte pas de la situation: il faut savoir tout ce qu’on pourrait faire avec ça, essayer tout ce qu’elle contient, avant de passer à autre chose.” Et puis Tati m’a plongé dans le bain glacé du tournage: il fallait se débrouiller, et nager.»

Un Tati qui sera déterminant dans la carrière de Pierre Etaix, lui permettant d’assurer sa première partie à un moment où personne ne voulait de son numéro de music-hall. «Je n’avais plus rien. Tati m’a sauvé la vie. Je ne l’ai jamais oublié, même si, par la suite, nous avons été fâchés pendant vingt ans», dira-t-il.

Son film Le Soupirant (1963) est né d’une collaboration avec Jean-Claude Carrière. Elle fut fructueuse et amicale. En novembre 2011, le cinéaste, alors âgé de 83 ans, avait reçu un Oscar d’honneur. «C’est impressionnant et un peu disproportionné, non?», avait-il confié alors, profitant de son séjour à Los Angeles pour rendre visite à Jerry Lewis. Ce dernier avait reconnu Étaix comme l’un des grands serviteurs du rire et de l’absurde. Il lui avait écrit après avoir vu son film Yoyo. Il était fier de cette lettre qui disait: «Tu es mon ami, depuis que j’ai vu ton film, je te connais par cœur. Nous ne parlons pas la même langue, mais depuis ce temps-là, on se comprend toujours.» 
Voir sa bio et sa filmographie sur Wikipedia

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