Roger DUMAS


Artiste à temps complet, comédien aérien de théâtre, de cinéma, de télévision, parolier de chansons à succès, il s’est éteint doucement ce samedi 2 juillet à 84 ans

Par Armelle Heliot
Figaro.fr

Roger Dumas, comédien sensible, parolier fertile

Il aura joué des centaines de rôles au cinéma comme au théâtre et écrit plus de chansons encore. Il s’est éteint samedi dans un hôpital parisien. Il venait d’avoir 84 ans.

On ne verra plus ses yeux malicieux et tendre se plisser dans de grands sourires. On n’entendra plus sa voix forte, sonnant sur un débit vif. Ses rires d’enfant. Ses indignations.

Il n’ira plus, le matin, lire les journaux au bistrot du coin, non loin du métro Anvers. Roger Dumas s’est éteint samedi 2 juillet. Il avait été hospitalisé il y a quelques jours. Le cœur de celui qui fut le merveilleux Monsieur Henri, au théâtre, il y a quelques saisons, celui qui fit le succès de cette pièce d’Ivan Calbérac, L’Etudiante et Monsieur Henri, celui qui s’était fait la belle avec son copain Trintignant dans Moins deux, de Samuel Benchetrit, s’est éteint doucement. Le 9 mai dernier, il avait eu 84 ans. Il ne cessait de lire, de découvrir, de partager. Il avait des projets. Il avait écrit un texte mettant en scène le vieux Firs, le serviteur que l’on oublie dans la maison, à la fin de La Cerisaie. Il rêvait aussi de reprendre A propos de Martin, ce récit merveilleux dans lequel il évoquait en partie son enfance et sa jeunesse.

Tout le monde, amateurs de théâtre, de cinéma, de bonne télévision connaissait cet homme capable d’interpréter des personnages très différents. Le grand public l’associait moins à son activité heureuse de parolier de chansons. Et pourtant! Quelle œuvre! Quelle diversité d’inspiration! Il adorait raconter les circonstances parfois très inattendues qui avaient présidé à la naissance de certains de ses «tubes». Ainsi était-il l’auteur de la chanson du générique du dessin animé Capitaine Flam que les plus de quarante ans ne connaissent peut-être pas, mais que tous les enfants du monde ont entendue! Il avait complètement oublié de répondre à cette commande. Il partait en vacances avec sa petite famille. Il était déjà dans la voiture, près à démarrer…Et en quelques minutes, il composa cette chanson! Pour Comme un garçon dont il est également l’auteur, il avait vu dans la rue un personnage un peu androgyne…Et ce fut ce petit miracle paradoxal!

Son grand ami, dans la chanson, était Jean-Jacques Debout et ensemble ils ont vécu bien des aventures de camaraderie, par-delà les belles mélodies et les paroles sensibles. Et puis Roger Dumas a beaucoup écrit avec lui pour les spectacles de Chantal Goya.

Jamais de grand premier rôle, mais une carrière formidable

Mais sa passion fondatrice était le jeu, la comédie. Il était né à Annonay, en 1932, dans une famille aimante que la guerre allait bouleverser, comme beaucoup alors. Mais Roger Dumas trouve dans les livres de grands univers et rêve de devenir acteur. Ses parents ont une boulangerie-pâtisserie à Neuilly. Pendant la guerre, on envoie les enfants en province. Roger Dumas va se retrouver en Auvergne. Plus tard, il achètera l’école dans laquelle il a été petit garçon et il y passait ses vacances. Il retrouve Paris en 1945.

Cet homme fin et frêle -il s’était étoffé avec le temps- apparaît dans de nombreux films des années 50: dès 1953 il tourne avec Hervé Bromberger (Les Fruits sauvages), André Cayatte (Avant le déluge), Robert Hossein (Pardonnez nos offenses en 1956), Pierre Gaspard-Huit, Yves Robert.

En 1959 dans le merveilleux Rue des prairies de Denys de la Patellière avec des dialogues de Michel Audiard, il est un garçon adopté. Il côtoie Jean Gabin, Claude Brasseur et la ravissante Marie-José Nat qu’il épouse à l’orée des années 60. Un film très important dans sa vie, décidément, puisque pour son interprétation Roger Dumas reçut le prix Suzanne Bianchetti, normalement réservé aux jeunes filles. Il fut la seule exception! Plus tard, en 2006, il recevrait un «molière» pour Moins deux.

Entretemps il avait intégré la troupe de Michel de Ré avec qui il entama un très beau parcours au théâtre. Il joua aussi avec Robert Hossein dans Responsabilité limitée.

On peut dire que Roger Dumas ne s’est jamais arrêté. Jamais de grand premier rôle, mais une carrière formidable de Chabrol à Assayas, de Philippe de Broca à Claude Zidi, Enki Bilal, Alain Corneau ou Yamina Benguigui à Jean-Marie Poiré ou Claude Berri.

Un autre de ses grands amis, Claude Berri. Ah! Comme Roger Dumas racontait bien leurs années de jeunesse et comment les parents de Claude Berri accueillaient les amis de leur fils, parmi lesquels Jean-Louis Trintignant et Roger Dumas. Ces deux-là, complices pour toujours, se retrouveraient des années plus tard dans Moins deux de Samuel Benchetrit.

Une intelligence, une culture profonde

Chez les Dumas, dans l’appartement de Neuilly, c’était la même chose: on accueillait les copains. Certains travaillaient aux Halles -même Trintignant! On venait manger, épancher son cœur, dormir.

On travaillait beaucoup, dans ces années-là, et l’on passait du théâtre au cinéma ou aux studios de l’Ecole des Buttes Chaumont avec facilité.

A la télévision, Roger Dumas -en plus de son travail très important pour Maritie et Gilbert Carpentier, les maîtres des variétés, des années durant- participe à des séries. Les Cinq dernières minutes, et plus tard Julie Lescaut ou Navarro. Il avait beaucoup d’estime et d’amitié pour Roger Hanin et ne se laissait jamais impressionner par les masques que prennent les êtres, ou les postures.

On ne peut ici, citer tous ses films, toutes les pièces qu’il a marquées de sa personnalité forte, généreuse, de sa subtilité d’interprète. Il était éclectique et tout le monde l’aimait. Il pouvait être fort en gueule, car il n’aimait pas les imbéciles, mais c’était un tendre. Il avait beaucoup de dignité. Une intelligence, une culture profonde. Il était demeuré espiègle et l’on riait beaucoup avec lui.

En 2015, il avait tourné avec Jérôme Le Maire dans Premiers crus.

On rêvait de le voir jouer «son» vieux Firs. La vie en a décidé autrement. On pense à ses amis, à sa famille, ses deux grands enfants, Sylvain et Julie, d’un deuxième mariage, il y a longtemps. Et puis on pense sa femme depuis des années, peintre, plasticienne merveilleuse, dont l’œuvre figure dans des collections fameuses, un grand caractère, Hélène Delprat.

Les obsèques de Roger Dumas auront lieu à l’église Saint-Roch, le 7 juillet, à 10h30.

Cette cérémonie sera suivie de la crémation du défunt au Crématorium du Père-Lachaise.

Lire aussi sur Ouest-France un article abondamment illlustré par des vidéos.

Voir l’article sur Ouest-france.fr
Voir l’article sur figaro.fr

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