Lettre ouverte à Monsieur Barroso, président de la Comission Européenne.

le SFA (Syndicat Français des Artistes) est membre actif de la Coalition française pour la diversité culturelle.

 

LETTRE OUVERTE A M. BARROSO,
PRESIDENT DE LA COMMISSION EUROPEENNE

La situation est paradoxale : jamais on n’aura évoqué aussi souvent en Europe le potentiel des industries culturelles et créatives et aussi peu soutenu la mise en œuvre de politiques permettant de défendre et de promouvoir la diversité culturelle !

Alors que les défis qu’apporte notamment le numérique exigent des réponses ambitieuses, l’action politique européenne sombre, au contraire, dans le renoncement, voire le reniement  : la signature de la Convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle n’a pas incité la Commission européenne à exclure automatiquement les services audiovisuels et culturels des négociations commerciales qu’elle menait ; la volonté de soutenir le développement des offres légales de biens culturels n’a pas été jusqu’à la mise en œuvre générale d’une fiscalité réduite pour les biens numériques ; le souci de prévoir des obligations de financement et d’exposition de la création européenne sur les nouveaux supports se heurte à des détournements de législation et des délocalisations au sein même de l’Europe. Le choc est d’autant plus rude qu’il permet  notamment aux géants américains et asiatiques de l’Internet de s’exonérer de toute obligation à l’égard de la création culturelle.

Avec la crise des finances publiques qui a amené la plupart des Etats européens à rogner sur les budgets destinés à la culture et à la création, l’Europe a plus que jamais sa place pour accompagner la préservation et la promotion de la diversité culturelle. Elle est même déterminante.

A l’heure où certains considèrent – à tort – que les évolutions technologiques ont ringardisé le soutien à la création, nous, artistes, cinéastes, écrivains, compositeurs, éditeurs de livres, producteurs de films ou de disques… considérons que c’est une idée moderne que d’empêcher une ou quelques cultures dominantes d’uniformiser les façons d’écrire et de penser. C’est une idée moderne et profondément européenne. C’est aussi une idée fragile que la mondialisation et l’économie numérique ne doivent pas faire vaciller.

Ce constat ne doit générer ni aigreur ni rancœur. Il doit en revanche conduire la Commission européenne et son Président à reprendre le chemin de la cohérence et du dynamisme dans leur action en faveur de la diversité culturelle.

De toute évidence, ce ne sont ni de petits compromis ni le respect aveugle et naïf des grands principes de la concurrence qui permettront de renforcer l’identité et la création européennes, dans toute leur diversité, et d’appuyer de façon adéquate et efficace l’industrie européenne de la culture.

Assumer une fiscalité culturelle adaptée et modernisée à l’ère numérique, tenir compte de la culture dans les politiques communautaires ; simplifier l’examen des aides culturelles d’Etat et valider leur extension aux supports et outils numériques, notamment aux nouveaux modes de distribution et de diffusion des œuvres ; refuser de faire de la culture une monnaie d’échange dans les négociations commerciales ; mettre fin au dumping fiscal au sein de l’Europe qui mine les bases du soutien à la diversité culturelle et qui fragilise les entreprises européennes au grand profit des multinationales extra-communautaires : voilà autant d’engagements clairs, sincères et désormais urgents que l’Europe doit prendre pour mettre en accord ses discours avec ses politiques.
A défaut, ce serait faire preuve d’une coupable faiblesse et d’une impuissance critiquable que de partir nus et désarmés face à cette bataille en faveur de la diversité et de la richesse de la culture européenne. La bataille est certes difficile, mais elle devrait pourtant nous réunir, nous avec nos créations, la Commission Européenne, avec ses actes et ses politiques. Le Parlement européen semble pour sa part l’avoir mieux compris.
C’est ni plus ni moins que l’avenir d’une culture et de sa diversité, de ses industries et de ses emplois qui se joue sur le théâtre européen. Un théâtre dont les meilleures répliques sont encore à écrire si la politique le veut bien.

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