Jean-Louis RICHARD


Mort du scénariste, réalisateur et comédien Jean-Louis Richard le 3 juin 2012

 

 

 

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Posté par Cyril Cossardeaux le 20 juin 2012 sur culturopoing.com

Quelle étrange “carrière” cinématographique que celle qu’aura connue Jean-Louis Richard… Un itinéraire riche en déviations (voire en déviances, aussi…), qui aura sans doute contribué à ce qu’il ne soit jamais vraiment tout à fait considéré à sa juste valeur, ni comme scénariste (son premier métier), comédien (qu’il fut plus souvent qu’il l’avait sans doute imaginé à ses débuts) ou réalisateur (où il est vrai que son travail s’avéra moins convaincant). Mais aussi, et c’est peut-être encore plus triste, à ce que sa mort, le 3 juin 2012, à l’âge de 85 ans, passe hélas très inaperçue…
L’œuvre de François Truffaut lui doit pourtant beaucoup, car Jean-Louis Richard fut l’un de ses collaborateurs les plus fidèles et réguliers, co-scénariste de La Peau douce (1964), Farenheit 451(1966), La Mariée était en noir (1968) et La Nuit américaine (1973). Mais aussi son acteur occasionnel dans Jules et Jim (1961), La Peau douceVivement dimanche ! (1983) et surtout Le Dernier métro (1981), certainement son emploi de comédien le plus marquant à l’écran. Il y incarnait l’ignoble Daxiat, journaliste collabo plus ou moins inspiré d’Alain Laubreaux, condamné à mort par contumace après la guerre, pour lequel il prit un plaisir manifeste à accentuer les traits “déplaisants” d’un physique qui n’était pas exactement celui d’un jeune premier. Il était d’ailleurs également parfait en passant mufle et libidineux, draguant Nelly Benedetti dans une courte scène de La Peau douce.

Jean-Louis Richard, bandeau sur l'oeil, avec François Truffaut sur le tournage du "Dernier métro" et encadrant le chef-opérateur Nestor Almendros
Jean-Louis Richard, bandeau sur l’oeil, avec François Truffaut sur le tournage du “Dernier métro” et encadrant le chef-opérateur Nestor Almendros

Et pourtant, il fut le premier mari de Jeanne Moreau, lorsqu’ils étaient l’un comme l’autre de tout jeunes femme et homme, à peine âgés d’une vingtaine d’années. Le mariage ne dura guère (de 1949 à 1951) mais ils restèrent en excellents termes, à tel point que Jeanne Moreau fut la star de deux des quatre films que Jean-Louis Richard réalisa bien plus tard, dans les années 1960, les seuls à avoir eu un certain écho critique. Mata Hari, agent H21 (1964) bénéficiait il est vrai, outre une Jeanne Moreau au sommet de sa beauté (dont le film jouait allègrement) de la caution de François Truffaut, coscénariste (et coproducteur) d’un film prenant son sujet avec une certaine distance historique. Le film fut un joli petit succès public (bien plus que La Peau douce, en tout cas, l’autre collaboration truffaldo-richardienne de cette même année 1964), ce qui ne fut hélas pas le cas du Corps de Diane, en 1969, qui voyait à nouveau Jean-Louis Richard filmer Jeanne Moreau (qui y retrouvait Charles Denner, l’une de ses victimes de La Mariée était en noir, l’année précédente), dans une adaptation d’un roman de François Nourissier.

Pour être complet sur la carrière de cinéaste de Richard, il faut citer son premier film, Bonne chance, Charlie, en 1962, qui associait Eddie Constantine (alors en pleine gloire) et le vétéran Albert Préjean (pour son dernier rôle à l’écran), et le dernier, moins inattendu qu’il n’a pu le sembler à l’époque pour ceux qui associaient le nom de Jean-Louis Richard à Truffaut. En 1985, c’est lui en effet qui adapte au cinéma la BD alors très populaire de Milo Manara, Le Déclic, et y dénude abondamment la charmante Florence Guérin (pendant que Jean-Pierre Kalfon, dans le rôle du diabolique docteur Fez libérant à distance sa libido effrénée, assure probablement le paiement de quelques arriérés d’impôts…). Pas si surprenant si l’on sait que, onze ans auparavant, c’est ce même Jean-Louis Richard qui signait l’adaptation cinématographique du roman d’Emmanuelle Arsan, Emmanuelle, avec la réussite que l’on sait…
Le succès de Just Jaeckin fait en effet partie des quelques films que Jean-Louis Richard a écrit en dehors du giron des Films du Carrosse (la maison de production de Truffaut), avec Le Mâle du siècle (1975), de Claude Berri, L’Année Juliette (1995), de Philippe Le Guay, Post coïtum animal triste (1997), de Brigitte Roüan, et moins glorieux, deux films de Christian Gion (C’est dur pour tout le monde et Le Provincial).

Enfin, il y avait le Jean-Louis Richard comédien, qui a lui aussi existé en dehors des films de Truffaut. D’abord comme simple figurant amical dans les années 60 (on peut ainsi l’apercevoir dans A bout de souffle ou Je t’aime, je t’aime, mais aussi dans l’Austerlitz d’Abel Gance !). Puis, après Le Dernier métro, il entame à plus de 50 ans une vraie carrière de seconds rôles, dans lesquels il apportait toujours sa drôle de voix à la fois nasale et chuintante, en balayant pratiquement tout le large spectre du cinéma français, passant du Gendarme et les gendarmettesà La Vie est un roman, du Marginal à Un amour de Swann (parfait Monsieur Verdurin !), de La Sentinelle à L’Inconnu dans la maison, de Jeanne la pucelle à Grosse fatigue, de L’Ecole de la chairau Prof, de J’ai faim !!! à Adolphe (sans oublier des rôles dans Le ProfessionnelFort Saganne,Hôtel de FranceQuelques jours avec moiL’AppâtMarianne…). Dans N’oublie pas que tu vas mourir, il forme avec Bulle Ogier le couple de parents de Xavier Beauvois et remplace donc dans le rôle du père du cinéaste Bernard Verley (qui le tenait dans Nord), et il y avait une certaine correspondance dans les rôles que ces deux comédiens ont tenu ces vingt dernières années…

Jean-Louis Richard était une vraie figure, polymorphe, qui aura marqué le cinéma français pendant une cinquantaine d’années, une figure qui reste à redécouvrir et à laquelle le temps redonnera toute la place qu’elle méritait.

Son article sur Wikipedia.org
Sa filmographie sur IMdB.fr

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