Michelle Marquais, mort d’un grand caractère


Michelle Marquais (à gauche) dans le rôle de Louise Mathon, la mère de Christian Ranucci dans l'adaptation en 1970 du Pull-over rouge de Gilles Perrault.

Michelle Marquais (à gauche) dans le rôle de Louise Mathon, la mère de Christian Ranucci dans l’adaptation en 1970 du Pull-over rouge de Gilles Perrault. Bridgeman Images

DISPARITION – La comédienne s’est éteinte samedi dernier. Elle avait 95 ans. Une vie consacrée au théâtre, du jeu à l’enseignement en passant par la mise en scène.

Elle était impressionnante et douce. Une longue silhouette, déliée, un visage à la beauté classique, entre Athènes et Rome, un visage qui pouvait sembler sévère, mais que son esprit, son intelligence, sa lucidité, son goût du rire, métamorphosaient sans cesse. Une voix superbe, moirée du grave au plus tendre. Il y avait en elle une immortelle jeunesse, malgré le temps qui avait passé.

Une très grande comédienne, qui s’était décidée tard à se vouer au théâtre. Michelle Marquais avait été journaliste avant de passer le concours du conservatoire. Elle était déjà mariée avec un peintre de très grand talent, Pierre Lesieur. Un homme de la couleur et des vibrations du monde, paysages comme intérieurs, qui s’est éteint en septembre 2011. Michelle Marquais fut très importante dans son œuvre, car elle était sa muse, son modèle et sa belle présence, énigmatique et sensuelle, hante de nombreux tableaux, aux cimaises de célèbres musées dans le monde.

Michelle Marquais s’est éteinte samedi 29 janvier, chez elle, à Paris, entourée de sa famille et en particulier de ses deux filles, Manuelle et Sarah. Elle aurait eu 96 ans en mai prochain.

On ne peut circonscrire en quelques lignes sa brillante carrière sur les planches. Elle travailla beaucoup avec Pierre Debauche, à l’orée des années 60 : Gorki, Andreïev. Dix ans plus tard, Shakespeare et Le Roi Lear. Mais entretemps, elle a fait la grande rencontre de sa vie. Ou, plus exactement, Patrice Chéreau a trouvé en cette femme rayonnante l’idéal de l’art du jeu. Michelle Marquais, comme avec Pierre Lesieur, est pour l’ardent metteur en scène, une inspiratrice, de ses tout débuts, jusqu’à Rêve d’automne en 2011. Ainsi Michelle Marquais joua-t-elle dès 68 dans Le Prix de la révolte au marché noir de Dimitris Dimitriadis, dans Richard II de Shakespeare en 70, dans Toller de Tankred Dorst en 73, dans l’inoubliable Quartett d’Heiner Müller avec son ami Roland Bertin, à Nanterre. Ensemble, un moment, ils donneront des cours d’art dramatiques très fertiles. Michelle Marquais, qui s’est peu consacrée au cinéma, est la nourrice, dans La Reine Margot de Chéreau en 1994.

D’autres metteurs en scène l’ont engagée : Gérard Vergez, Gabriel Garran Roger Planchon, Claude Confortès, Lucian Pintilié, Luc Bondy, Bruno Boeglin, Patrice Kerbrat, Brigitte Jaques, Emmanuel Demarcy-Mota et, au cinéma, elle avait tourné avec Rossellini dans La Prise de pouvoir par Louis XIV, jusqu’à Villa Amalia de Benoît Jacquot, en 2009, en passant par Le Pull-over rouge de Michel Drach où elle incarnait la mère de Christian Ranucci.

Metteur en scène, elle avait monté ses contemporaines, Madeleine Laïk, Hélène Cixous et signé Don Carlos de Schiller au festival d’Avignon avant de retrouver un texte d’Andreiev. En 2011, on l’avait applaudie dans une lecture de Dea Loher à Théâtre Ouvert. Depuis, elle s’était retirée, entre Paris et sa maison de Saint-Rémy, avec ses chats et les tableaux de Pierre Lesieur, attentive au monde et aux autres.

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