Jean-Pierre ROMOND, ancien professeur de respiration et de phonation au CNSAD (de 1974 à 1994), est décédé le samedi 25 août 2007.
JEAN-PIERRE ROMOND
était directeur en France de l’Ecole de Gymnastique Respiratoire Metdge-Sandra.
Il a été professeur de respiration et de phonation au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de 1974 à 1994.
Il enseignait au sein du Cours Raphaël Sikorski depuis octobre 2001.
» Il y a quelque chose de plus profond en nous qu’il nous faut absolument découvrir; ainsi libérés d’un fatras d’idées fausses, la vie vous paraîtra plus ensoleillée. »
Jean-Pierre Romond
HOMMAGE de CATHERINE RÉTORÉ
» Comment rendre hommage à l’influence, à la présence de Jean-Pierre ?
Dire simplement qu’il se passait quelque chose dans sa classe qui nous rendait plus vivants.
Jean-Pierre Romond enseignait la respiration depuis de longues années au Conservatoire National, à l’institut du 14 bd Raspail et au Lavoir, le cours de Raphaël Sikorski .
Il en démontait les mécanismes, les mesurait , les pesait, puis nommait toutes les formes de cette fonction physiologique . Il saisissait l’insaisissable: l’air; il le calibrait . Rendait conscientes chez nous des sensations enfouies, nous les révélait à la lumière pour que nous puissions corriger certaines de nos habitudes .
Combien de fois ai-je entendu « c’est bien fait mais c’est pas ça » ou « arrête, arrête de faire l’élève » et « où es-tu ? Tu n’es nulle part ? »
Combien de fois dans les premières années de cet apprentissage ai-je pensé que je n’y arriverais jamais et que je ferais mieux d’abandonner? Mais je n’avais plus le choix, il fallait avancer, j’en savais trop pour arrêter .
Quand on rentrait dans sa classe, l’heure n’existait pas les exercices se succédaient, mieux ils rebondissaient les uns sur les autres, nous regardions la respiration comme un diamant sous toutes ses facettes et nous l’aiguisions.
C’était notre concentration que nous construisions; se reposait dessus le timbre de notre voix, notre parler juste, un mouvement simple, un geste jamais forcé . Un effort devait être toujours réalisé avec légèreté, avec fluidité, avec élégance . « Vous pourrez enfin avoir accès à une interprétation sans intention », disait-il.
Nous laissions nos idées au vestiaire, il n’aimait pas trop dialoguer, parfois il disait des choses bouleversantes.
A une élève à qui il montre ce qu’est l’état de concentration sur une simple série de battements de jambes, sa présence s’intensifie, sa voix s’éclaircit et sonne, il entre dans une sorte de mystère et on sent une passion de la vie .
– Tu sens une différence à l’intérieur de moi?
– Oui
– Et moi je sais exactement ce que je fais pour accéder à cet état . Mais cet état n’est pas donné à tout le monde, il faut le mériter pour y accéder . Il faut aller voir dans sa machine, être très attentif quand on travaille pour ne pas le laisser s’échapper .
– J’essaye, je cherche…
– Arrête de chercher, vis-le .
Quand on sortait de ses cours on se disait: qu’est-ce qu’il m’a dit?
C’était en fait la force de sa personnalité et l’exemple de sa vie entièrement concentrée qui exerçaient un effet si stimulant sur nous. Son influence consistait à nous faire sentir qu’il n’était pas d’effort trop grand pour venir à bout des difficultés .
J’étais souvent saisie pas sa solitude, au degré d’exigence où il travaillait, il ne rencontrait personne.
La première fois que je suis entrée dans sa classe, je ne comprenais rien à ce qu’il travaillait mais je sentais que c’était beau et je voulais cette beauté. Sans parler seulement de son regard et de son sourire .
La dernière fois que je l’ai vu c’était le 26 juillet, un après-midi d’une grande douceur, nous avons passé une bonne heure dans son jardin d’Alfortville . Je sentais qu’une maladie grave s’était déclenchée, je lui ai dit que j’étais inquiète, qu’il devait se soigner il m’a répondu tranquillement que oui… quelque chose de profond s’est peut-être installé et nous sommes revenus au travail de la respiration . Il me donnait quelques derniers conseils pour l’abord de cette méthode en tant que professeur pour mes prochaines classes: J’ai fait des erreurs, je faisais faire trop de technique aux élèves comédiens, il faut faire davantage le lien avec ce qu’ils travaillent tout de suite .
Son teint s’est éclairci, ses yeux bleus se sont allumés. Quelque chose de totalement épanoui se dégageait .
Son sourire a écarté toute effusion pendant que nous nous sommes dit au revoir . »
Catherine Rétoré. (9/9/07)
Ancienne élève du CNSAD (promo 1980),
Catherine Rétoré enseigne la technique de Jean-Pierre Romond
et son lien avec l’interprétation,
aux élèves de 1ère année du CNSAD.
HOMMAGE de LIONEL ROBERT
» Jean-Pierre Romond a enseigné la Respiration et la Phonation au CNSAD de 1974 à 1994. Il a rendu son dernier souffle et s’est éteint avec élégance en souriant ce samedi 25 Août.
Je crois qu’on serait étonné du nombre de personnes qu’il a accompagné en temps qu’artiste ou être humain tout simplement; car le travail de Jean-Pierre visait à développer l’humain en nous, l’être de chair, le vivant; on était loin avec lui des faux-semblants, des compliments inutiles, il travaillait, cherchant de nouveaux instruments: des anches, des ballons qui aideraient à faire mieux sentir le vidage, la pression, à canaliser la colonne d’air; il aidait à révéler cette énergie vitale, animale qui est en nous. Il disait : « ça c’est ta voix physiologique, là c’est le vrai Lionel ».
J’ai entendu parler de son travail lorsque j’étais apprenti comédien dans le sud de la France: un professeur nous demandait de rire, et je sentais que quelque chose bloquait; à Paris: j’ai assisté à un cours de Jean-Pierre, et j’ai senti que là se trouvait ce qui me manquait pour m’épanouir; il disait : « Ce qui est important ce n’est pas le but mais d’être sur le chemin ».
La grande rigueur de cette méthode basée sur une vérité physiologique (il prenait souvent en exemple les jeunes enfants, les animaux qui n’ont pas perdu cet état ou les gens du cirque), était teintée d’humour, d’une grande écoute des sensations, de beaucoup d’humanité et de respect envers chacun.
Son exigence, sa rigueur, son franc-parler, son évolution personnelle nous ont aidé; c’est vrai qu’il avait affiné sa méthode au cours des ans; les dernières années, il disait : « Je connais bien mon métier ». Il avait acquis du doigté, de la finesse, de la souplesse d’esprit; il sentait ce qu’il fallait pour chacun; il était vif, perspicace, il disait : « le cœur a un rythme, si vos battements sont rythmés, ils auront un effet thérapeutique; ton corps n’est pas idiot; il faut rééduquer la machine ».
Son itinéraire professionnel était unique celui d’un autodidacte: ouvrier spécialisé dans une usine, puis musicien trompettiste, enfin professeur au Conservatoire. Il avait connu ce travail de training respiratoire par une ancienne chanteuse: Paule METGE-SANDRA qui remplaçait Edith Piaf; cette personne était encore plus intransigeante que Jean-Pierre et lui avait légué de telles bases sur le mécanisme respiratoire qu’il a toujours parlé de la méthode en la nommant comme initiatrice, alors qu’en 40 années il avait trouvé de nouveaux exercices, et affiné constamment la méthode.
On dit qu’il faut travailler chaque jour pour progresser; c’est ce qu’il faisait : chercheur insatiable, tel un scientifique, repensant à tel ou tel élève: comment l’aider à progresser?
On dit que nous autres acteurs notre principal instrument c’est nous: c’est exactement ça le travail de Jean-Pierre: nous aider à peaufiner notre instrument pour qu’il soit prêt à jouer selon ce qui est demandé. Il remettait nos habitudes en question, nous bousculait puis s’excusait.
C’est vrai que lorsque l’on voit, que l’on écoute un acteur, un chanteur un humain qui est juste, touchant, dont la voix vibre: on se dit tiens c’est ça que l’on travaille avec Jean-Pierre.
Son physique de bûcheron, son style gouailleur et sa délicatesse sont un bel exemple d’homme complet. Il a réussi à se transformer personnellement et à être la preuve vivante de ce qu’il enseignait.
Jean-Pierre ROMOND nous a nous a légué beaucoup; nous allons poursuivre son enseignement ! «
Lionel Robert.
Diplômé des conservatoires de Nice et de Lyon,
Lionel Robert est assistant – diplômé de la méthode de gymnastique respiratoire Metge-Sandra / Jean-Pierre Romond
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