LES PARAVENTS DE JEAN GENET mise en scène par Arthur Nauzyciel

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LES PARAVENTS

de Jean Genet
mise en scène Arthur Nauzyciel

durée 4h (avec entracte)

31 mai – 19 juin

Odéon 6e

PLACE DE L’ODÉON PARIS 6e

Infos pratiques

durée 4h (avec entracte)

du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h
relâches les lundis et les 4 et 5 juin

Représentations surtitrées en anglais les 1er, 8, 15 juin

Métro 4 et 10 : Station Odéon
Ligne 4 : jusqu’au 31 décembre inclus, des travaux sont en cours affectant le trafic certains soirs et certains dimanches. Plus d’informations ici

RER B: Luxembourg
RER C : Saint-Michel
Bus : 63, 87, 86, 70, 96, 58.
Parkings : rue Soufflot, Place St Sulpice, rue de l’Ecole de Médecine.
Vélib’ : stations 6028, 6017, 6016

 

réserver

Distribution

RUE DU CONSERVATOIRE SALUE AMICALEMENT LES ANCIEN.N.E.S ÉLÈVES DU CNSAD
Xavier Gallais , Hammou Graïa, Bénédicia Makengele, Mounir Margoum , Catherine Vuillez

ET L’ENSEMBLE DE LA TROUPE 

Les pièces de Jean Genet regorgent de parias irrécupérables qui, tout en vous regardant avec un éclair de malice dans les yeux, se vautrent dans la fange, le tout dans un langage lyrique irradiant. Dans Les Paravents, une famille traverse ce qui semble évoquer la guerre d’Algérie. Mais quelle famille ! Une mère, son fils et la bru “la plus laide du pays d’à côté et de tous les pays d’alentour” errent de larcins minables en sublimes traîtrises, tandis qu’autour d’eux la révolution s’organise. Colons et colonisés, civils et militaires, magistrats et prostituées : quelque cent dix personnages défilent en seize tableaux. Dans ce drame insolent et grotesque où “les extrêmes se touchent” (B. Poirot-Delpech), Genet va crescendo vers l’explosion des frontières entre l’ordure et la grâce, l’illusion et la réalité, les vivants et les morts, pour finir dans un grand éclat de rire face à la vanité du monde. À sa création à l’Odéon en 1966, cette pièce qui se situe “en-dehors de toute morale” selon Genet lui-même, provoqua une violente bataille entre les défenseurs de l’armée et de l’Algérie française, et ceux de la liberté de création. Presque soixante ans plus tard, Arthur Nauzyciel remonte ce drame fou et monstrueux sur la scène de l’Odéon. Une troupe de seize comédiens porte ce théâtre du corps et de l’artifice. En réactivant la puissance métaphysique et mélancolique de cette œuvre écrite “pour faire rougir les morts”, Nauzyciel fait sien le geste de Genet : transcender le réel par la poésie pour rendre le monde acceptable.

Dans la presse+

« Un grand geste poétique d’une beauté absolue, joué-dansé avec grâce par seize comédiens sur un escalier immaculé. » — Les Échos

« Suite de tableaux et de personnages hors normes sur fond de guerre d’Algérie, le texte de Genet est splendide, mais souvent obscur. Arthur Nauzyciel parvient avec brio à le rythmer et l’éclairer. » — Télérama

« Arthur Nauzyciel signe un grand spectacle fait de visions hantées, de fantômes rageurs, de spectres incandescents, de morceaux de bravoure funèbres autant que funestes. […] Certainement l’une des plus puissantes propositions de cette rentrée théâtrale !  » — L’Œil d’Olivier

 

LE MONDE :

A l’Odéon-Théâtre de l’Europe, « Les Paravents », pavane pour les fantômes de la guerre d’Algérie
Fabienne Darge
Arthur Nauzyciel livre une mise en scène mémorable et somptueuse de la pièce de Jean Genet qui avait fait scandale lors de sa création en 1966.
Les Paravents sont de retour au Théâtre de l’Odéon, et c’est un événement. Pas seulement parce que la pièce de Jean Genet se réinvite, près de soixante ans plus tard, là même où elle a été créée, en 1966, provoquant un des plus gros scandales du théâtre français. Pas seulement, non plus, parce que les ondes de choc de la guerre d’Algérie, qui forme le substrat de la pièce, continuent à se propager encore et encore dans la société française. Mais aussi, et surtout, parce qu’Arthur Nauzyciel en livre une mise en scène qui fera date, d’une beauté envoûtante, comme en apesanteur au fil des quatre heures que dure la représentation.
Et quand on dit que cette mise en scène fera date, ce n’est pas par effet d’hyperbole. Les Paravents, que Genet a écrit à la fin des années 1950 et publiée en 1961, est un des monstres du théâtre français : un morceau de bravoure qui serait comme le double interlope et crasseux du Soulier de satin de Claudel. La pièce, dont on dispute depuis sa création de savoir s’il s’agit d’une œuvre « sur » la guerre d’Algérie, ou si celle-ci sert de toile de fond pour une méditation beaucoup plus large (Genet lui-même a été ambigu, comme toujours, sur la question), est radioactive.
Une pièce qui fait peur
Ni la guerre ni l’Algérie n’y sont jamais nommées, les militaires et les colons sont montrés comme des pantins ou des fantoches, mais Genet jette également un œil on ne peut plus lucide sur la manière dont la révolution algérienne ne va pas tarder à reproduire certains des mécanismes de domination et de pouvoir qu’elle entendait abattre avec la puissance coloniale.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres – langue somptueuse dans son mélange de lyrisme et de trivialité, jeux théâtraux superlatifs –, Les Paravents font peur, et seules deux mises en scène dignes de ce nom en ont été proposées en soixante ans. Celle de Roger Blin, en 1966, au Théâtre de l’Odéon. Et celle de Patrice Chéreau, en 1983, au Théâtre des Amandiers de Nanterre. Dans les deux cas, la pièce a suscité moult malentendus, en raison des contextes de représentation. En 1966, les blessures de la guerre d’Algérie étaient encore à vif. En 1983, la prise de conscience du racisme structurel de la société française, incarnée par le slogan « Touche pas à mon pote », a orienté la pièce en ce sens : Chéreau avait placé les personnages d’Arabes sur la scène, tandis que les militaires et les colons erraient dans la salle, parmi les spectateurs.
Autrement dit, nombreux sont ceux qui ont tenté de faire de cette pièce un drapeau (on ne parle pas là de Blin et de Chéreau, dont la démarche était plus subtile), ce qui est tout à fait contraire à l’esprit de Genet, pour qui le seul drapeau à brandir est celui des réprouvés, des sans-grade, seuls à même d’atteindre la grâce.
Arthur Nauzyciel aborde Les Paravents par un tout autre biais, qui s’inscrit dans l’ensemble de son travail. Tous les spectacles de l’actuel directeur du Théâtre national de Bretagne sont hantés par la mort, tout son théâtre est une opération pour faire (ré)apparaître les fantômes, ce qui l’avait amené à aborder Genet, déjà, en 2015, avec une superbe version de Splendid’s.
Notion de méditation
Le metteur en scène s’est complètement affranchi des indications scéniques, lourdes et nombreuses, dont Genet a truffé sa pièce, et c’est tant mieux. Il n’y a pas de paravents dans ces Paravents. Sa lecture de la pièce s’observe d’emblée dans l’espace, grandiose, inventé avec son scénographe, Riccardo Hernandez : un espace occupé par un immense escalier d’une blancheur immaculée, sur lequel les acteurs montent et descendent, et qui va prendre au fil de la représentation valeur de mausolée, de monument aux morts.
La pièce, finement élaguée pour revenir à un spectacle de quatre heures (elle en durerait huit si elle était jouée dans son intégralité), déploie ses différentes lignes dramaturgiques, où s’entrecroisent l’histoire de Saïd, de sa mère et de sa femme, Leïla, qui forment la « famille des orties », autrement dit les moins-que-rien, et celle des colons, des militaires et des rebelles combattants, sans compter les deux prostituées Warda et Malika, chez qui tous se retrouvent.
A partir de là, Nauzyciel déplie comme en éventail un geste de mise en scène somptueux, qui inscrit les personnages dans un rituel de dialogue entre les défunts et les vivants, une lente et calme danse avec la mort. Après avoir beaucoup tergiversé sur la question de savoir si sa pièce parlait directement des événements algériens ou non, Genet avait fini par avoir cette formule : « Les Paravents sont une méditation sur la guerre d’Algérie. »
C’est peu de dire que cette notion de méditation inspire Arthur Nauzyciel, qui passe la théâtralité exacerbée de Genet, ce carnaval qui fait défiler des pantins grotesques, au filtre de l’épure et du rêve. C’est comme s’il raffinait le tropisme baroque de l’auteur pour en extraire l’essence existentielle et spirituelle. Comme en un long soupir au bord de la mort, tout se déroule dans une irréalité qui, pourtant, dit beaucoup du réel. Et cette décantation passe par les corps qui, ici, parlent autant que les mots, grâce au fantastique travail mené avec les acteurs par le chorégraphe Damien Jalet.
Les mouvements de torsion, de désaxage, les lentes coulées des corps perdus de cette guerre le long de l’escalier-tombeau : c’est dans la chair que se lisent et se vivent les fantasmes, la mort toujours à l’œuvre, la chute et la grâce, la domination et la fuite, le combat et la douleur. Et le rejet des réprouvés, qu’incarne plus que toute autre Leila, pauvre d’entre les pauvres, laide d’entre les laides, une femme que tous veulent effacer, sous son voile devenu cagoule.
« L’architecture de vide et de mots » théorisée par Genet pour une autre de ses pièces (Les Nègres) prend ici tout son sens, ce qui ne veut pas dire que la dimension concrète des « événements » d’Algérie, comme on les a longtemps nommés, soit absente. Arthur Nauzyciel la réinjecte dans le spectacle par un biais biographique aussi troublant que pertinent qui, au début de la deuxième partie du spectacle, vient remettre de l’humain dans le dispositif formel.
Distribution au sommet
Alors qu’il travaillait sur Les Paravents, le metteur en scène a en effet découvert qu’un de ses cousins, Charles Nauciel, avait été appelé en Algérie, entre 1957 et 1959, en tant que médecin militaire. Il a retrouvé les lettres que celui-ci avait envoyées à ses parents à l’époque et qui témoignent d’une lucidité aussi calme qu’imparable. Et il a filmé cet homme, aujourd’hui, en train de relire ces lettres : un homme d’une dignité et d’une pudeur magnifiques, en qui se noue le cœur mémoriel du spectacle.
Un spectacle qui, par ailleurs, repose sur une distribution et une direction d’acteurs au sommet, où aucun ne cherche à briller pour lui-même, mais à placer sa partition dans un vaste ensemble organique : Xavier Gallais, une fois de plus génial en lieutenant travaillé par ses fantasmes, Marie-Sophie Ferdane (la mère), Aymen Bouchou (Saïd), Océane Caïraty (Malika), Mounir Margoum (en gendarme ou en combattant) et Maxime Thébault (le sergent).
Tout ceci avant qu’un grand trou noir n’avale tous ces fantômes. Engloutis, disparus, volatilisés, dans cette dramaturgie de l’effacement tissée par Genet dans Les Paravents. Comme si l’écrivain avait senti, avant même qu’elle ne soit terminée, que cette guerre serait un trou noir dans la conscience française. Ce final provoque une émotion indicible, comme si se matérialisait et s’exorcisait enfin, dans sa simplicité et sa beauté aérienne, le vaste non-dit algérien.
Avec ces Paravents, l’aventure que mène Arthur Nauzyciel avec Jean Genet prend désormais la dimension de celle poursuivie par Antoine Vitez avec Claudel. Pas moins.
Les Paravents, de Jean Genet. Mise en scène : Arthur Nauzyciel. Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris 6e. jusqu’au 19 juin.
Cet article est paru dans Le Monde (site web)

 

 

 

 

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