Mot de confinement

Le par Marceau Deschamps-Ségura - Commentaires (0)

Chères comédiennes, chers comédiens, artistes, amis et amies de Rue du Conservatoire,

Les temps sont complexes, la crise est sérieuse. Nos situations, souvent précaires, sont encore menacées; les annulations pleuvent, un silence éprouvant s’installe, et laisse à redouter la cacophonie de la reprise, quand les vannes de la créativité entravée se rouvriront pour irriguer à nouveau les théâtres tristement clos. Mais clos à juste titre dans ce quotidien de danger véritable, écho des grandes pestes qui fermaient les théâtres au nez de Shakespeare et ses contemporain-es.

Au nom de l’association, je veux remercier les personnels soignants et la communauté scientifique, qui veillent à nos jours, les éducateurs et éducatrices, les enseignants et enseignantes, celles et ceux qui tiennent les commerces et produisent les biens qui nous sont nécessaire, qui distribuent les courriers et qui nettoient nos rues ; celles et ceux qui nous permettent de continuer, où nous sommes. Des pensées vont aux personnes que la maladie brise. Et un mot à nous toutes et tous qui restons, autant que possible, chez nous.

Nous ne pouvons qu’espérer que ce garrot, que cette perte apporte, tant que possible, elle qui, douloureusement, emporte tant de nos vies. Pour moi, le théâtre est cette invitation permanente à saisir le réel, à le regarder avec deux attitudes entières et contradictoires, qu’Alain Françon résumait dans son déchirement entre deux théâtres qui occupaient une part majeure de sa vie: d’un côté Tchekhov, avec le «c’est comme ça», activité difficile et tendre d’accepter la douleur du monde comme elle se présente, car ce qui est dépend si peu de nous, et surtout parce que ce qui est, heureusement ou malheureusement, de fait, est. De l’autre côté, Bond, avec le «ce ne peut pas être ça», le refus catégorique contre l’injustice, et qui mène à l’action, à la transformation de ce monde qui nous broie, pour le rendre plus vivable à toutes et tous.

Ce déchirement, qui est pour moi le mystérieux équilibre de notre cheminement dans la vie, se retrouve comme intensifié dans ce temps où le paysage semble s’effacer de part et d’autre du fil où se posent prudemment nos pas.

Cette vie qui crie ou qui se tait, accueillons-la. Car que pouvons-nous faire d’autre ? D’autre que de faire son possible, quotidiennement, pour collectivement aller vers un progressif et lointain mieux?

Cette vie qui crie ou qui se tait, refusons-la, car elle est inacceptable, retraçons-la, autrement, car ses lignes d’aujourd’hui nous lacèrent.

Pour ce qui est de la vivre, des aides, des grands mouvements de solidarité se mettent en place. Le gouvernement bricole pour réparer, autant que possible, ces – au moins – quatre mois de programmations annulées, reportées. Nous essaierons de relayer autant que possible les informations qui arrivent, qui s’inventent bribes par bribes, ou au moins de transmettre des liens vers les pôles les plus réactifs qui les recensent de jour en jour (le fruit souvent d’un effort d’attention collectif, mutuel).

À notre humble mesure, Rue du Conservatoire rappelle qu’un fonds de solidarité peut soutenir, ponctuellement, par un petit apport financier, les situations les plus difficiles. Dans ces temps exceptionnels plus encore que le reste de l’année, il va de soi que cette aide est accessible à nos adhérents en difficulté. N’hésitez à nous contacter pour en bénéficier, ou à l’abonder si votre situation le permet et que vous voulez apporter votre soutien de cette manière-là.
Voici où écrire.

Pour ce qui est de la vivre, beaucoup trouvent le moyen d’apporter à leur manière du soutien à leurs proches, ou même à celles et ceux qu’ils et elles ne connaissent pas. Nous allons relayer ici, autant que possible, ces actions émanant des membres de l’association, ou seulement qui pourraient leur apporter.

Pour ce qui est de la vivre, cela se fait aussi dans le secret, l’intimité du foyer, ou seulement de son être, que l’on a parfois peu l’occasion de rencontrer aussi durablement. Cette dimension intime, et secrète, est importante, et souvent à conserver dans la sphère de sa propre expérience. Mais dans d’autres cas, elle peut aussi se transformer en expression, prendre une forme artistique, emprunter le langage d’une discipline et répondre à la vocation du partage. Dans ce dernier cas, s’il vous est urgent de partager une proposition artistique, et que cela a du sens pour vous, nous pourrons la publier sur notre site, dans une rubrique que nous créons à cet effet: Cahiers de confinement.

Nous espérons ainsi, à notre mesure, contribuer à ce grand mouvement d’entraide pour faire de la vie telle qu’elle s’impose à nous un espace d’épanouissement, autant que cela est possible face à l’épreuve.

Mais pour ce qui est de la refuser et de la retracer, cette vie, pour que les jours qui viennent soient plus décents, plus doux que ceux qui nous assaillent, nous voulons rejoindre par la circulation des informations les grands mouvements de construction sociale et solidaire, qui visent à mettre un terme à cette fragilité structurelle (de notre métier, mais aussi plus globalement de notre système) que la situation révèle. Nous voulons vous encourager, si pour vous aussi la colère se fait grande, nourrie par l’empathie, ou par votre propre situation, à l’embrayer à la grande machine de pensée et d’action qui veut corriger nos structures et les rendre plus solides, plus accueillantes, plus solidaires. Vos propositions et vos réflexions pourront également trouver leur place dans nos Cahiers de confinement, pour former ensemble un dialogue sur les perspectives de notre métier, et de notre société.

Nous avons conscience que ces quelques propositions peuvent être bien peu, bien impuissantes face à la violence de nos quotidiens. Mais nous espérons qu’elles pourront apporter à certains et certaines d’entre vous, et peut-être, seulement, rouvrir la chaleur, le trait d’une perspective.

Au nom des administrateurs et administratrices de Rue du Conservatoire,

Avec notre soutien, notre empathie, et notre tendresse,

Avec, surtout, la hâte de se retrouver encore,

Marceau Deschamps-Ségura
Président de Rue du Conservatoire

Pour déposer vos propositions et vos réflexions sur notre site https://www.rueduconservatoire.fr/, si vous êtes adhérent-e écrivez un article dans votre espace membre en sélectionnant la catégorie «Cahiers de confinement», sinon, écrivez-nous à info@rueduconservatoire.fr.

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